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Chanson de toile
11 mars 2008

Lettre d'intention de l'auteur

« Chanson de toile traite de mort et de vie, de renaissance, surtout.

Chanson de toile est l’histoire d’un cheminement spirituel, qui conduit le personnage principal à s’abîmer dans le mensonge. Mais le sursaut vient au moment où l’âme semble vaciller, et Irène se voit obligée de vaincre les peurs qui l’avaient jusque là paralysée. D’elle-même et contre son gré, elle sort enfin de sa prison mentale, symbolisée par la camionnette.

Chanson de toile emprunte son titre aux chansons du Moyen âge dont on dit qu’elles étaient chantées par les femmes, tandis qu’elles cousaient ou filaient. Les chansons de toile, insérées dans les romans du XIIIe siècle sont devenues un motif romanesque à part entière. Ces récits, qui lient la parole féminine au travail de la broderie, s’avèrent le plus souvent des récits initiatiques qui confrontent une jeune fille au sentiment amoureux pour la première fois.

Les chansons de toile médiévales m’ont inspirée car elles sont au cœur de la transmission entre une mère et sa fille, elles incarnent toute l’ambiguïté de cet héritage que l’on préfère chanter pour ne pas en parler, que l’on préfère tisser pour ne pas avoir à le démêler.

Les chansons de toile, dont la facture épousait vraisemblablement le geste répétitif des fileuses, ont rencontré mon désir de « tisser » un texte à la fois narratif et poétique, dont l’intrigue repose sur la reprise musicale des mots.

L’univers dont il est question dans Chanson de toile est à la fois intemporel et ancré dans la réalité d’un village rural dont le développement se serait arrêté aux années 50, ou 70. Ce décor emprunte à l’imaginaire de ma région d’origine, le Pas de Calais. J’ai volontairement repris des motifs réalistes, renvoyant à un imaginaire du fait divers – l’enfermement d’une femme dans une camionnette, par exemple – pour révéler le tragique derrière l’apparente arriération.

Si la fin de Chanson de toile est ouverte à l’interprétation, elle est selon moi porteuse d’espoir. Loin d’être heureuse, cette fin soulève la question de la libération. La pièce s’achève sur une scène initiatique au cours de laquelle le personnage sacrifie une part d’elle pour gagner une  nouvelle identité, qui reste tout entière à construire. »

« Ce personnage d’Irène est aussi pour moi l’émanation d’un fond culturel qui m’est proche, et que je qualifierai, en reprenant l’expression d’Ivar Ch’Vavar, poète d’expression picarde, de « Grande Picardie Mentale ». Cette Grande Picardie est mentale car il s’agit d’un territoire littéraire, d’une géographie imaginaire instaurée par les écrivains qui se sont nourris de la « matière de Picardie », comme d’autres sont allés boire à la source de la matière de Bretagne. La Grande Picardie Mentale, territoire imaginaire façonné par des artistes picards dès les années 70, recouvre la partie du territoire français où était parlé le picard, dialecte médiéval supplanté par le français dès la systématisation de l’enseignement public, au 19e siècle. La matière de Picardie s’ancre dans les textes médiévaux d’Adam de la Halle, mais réunit aussi des figures telles que Rimbaud, qui séjourna à Douai, Saint Benoit Labre, ou encore Georges Bernanos, qui passa son enfance à Fressin, petit village artésien. Irène emprunte d’ailleurs beaucoup à Mouchette (la Mouchette de la Nouvelle Histoire de Mouchette). Mouchette et Irène ont en commun une forme de pugnacité, d’obstination, qui toutefois les conduit à la catastrophe, car toutes deux s’enferrent dans un réseau de mensonges qui les conduit à des actes radicaux. »

Hélène BACQUET

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